Julie Menuge selon Rebbeca B.
Mona Chollet a écrit “ L’apparence de quelqu’un se complète toujours d’une large part qui est laissée à sa discrétion et qui tient à sa présence, à sa manière de se comporter, de parler, de bouger, de sourire – ou pas-, d’agir, de laisser transparaitre sa personnalité, son histoire, son attitude face à la vie.”
Et les mots ne sont que des mots jusqu’à ce que la réalité les fasse résonner. Et quelle résonnance ! Quelle réalité ! Sinon celle de ce bout de femme qui a tantôt l'accent du Nord de la France, tantôt le parlé des femmes blanches qui ont la nostalgie du Bled. Comme si elles y étaient nées. Comme si elles y avaient grandi. Comme si, comme ça. Comme les gens qui aiment indéfiniment l’ailleurs et l’autre jusqu’à se perdre en lui. Pour le faire renaître autrement, différemment. Avec des souvenirs de voyage, de mariage, de tissages et de métissages.
Julie Menuge, une métissée, une transfugée, une exilée. La bonne copine mais surtout l’artiste sensible qui crée le lien entre le basin et le wax.
La Mongolie et la boutique occidentale de seconde main.
Le Pakistan, l’Inde et le Mali.
Sa boutique a ce quelque chose d’exotique et de familier. Située rue Blaes dans le quartier des Marolles, on n’y découvre des pièces “bizarres” comme disent ceux qui n’en savent rien, “singulières” comme disent ceux qui en savent trop. Mais qu’on aime ou qu’on n’aime pas. Qu’on veuille fustiger son travail à coup “d’appropriation culturelle”, on reste adouci par la sincérité avec laquelle elle conçoit la rencontre d’un tissu avec un autre. Et chacune de ses pièces singulières et bizarres prend une dimension plastique et inspire le beau, le bien et le vrai.
Parce que c’est du vrai ce qu’elle crée, cette fille-là !
Elle impose à chacun de se demander si hier, quand l’Afrique était chic mais pas cher et pas encore victime de la mode, nous ressentions avec la même violence l'humiliation d’une spoliation du savoir-faire ? Sans merci ! Sans égard !
Mais Julie ne dit pas seulement “ Merci”. Elle ne dit pas seulement “je ne sais pas si je mérite tout ce qu’il m’arrive”. Elle éprouve dans sa chair le destin du métèque. Du rejet. De l’indifférence. Et ce qu’elle fait de cette épreuve, ce n’est rien d’autre que des bijoux.
Et il faudrait être sans foi ni loi pour ne pas accepter qu'une jeune femme du Nord de la France dont le bras est tatoué par les ongles de Madame Thérèse raconte avec élégance et exigence la mondialisation, l’identité, la pluralité et l’amour de l’artisanat.
Et parce que c’est une femme. Et parce qu’elle est blanche. Perdue. Eperdue. Sensible. Laborieuse. Studieuse. Elle offre un regard essentiel sur ce que le monde à encore offrir. Et elle nous invite au voyage.
Rebbeca B.